The Grand Budapest Hotel
Habile conteur Wes Anderson nous emporte avec THE GRAND BUDAPEST HOTEL dans une aventure tout à fois drôle, tendre et farfelue. Il crée à nouveau un univers ludique empli de nostalgie et il s’entoure d’un casting prodigieux. Semble-t-il s’amuser que jamais il ne nous oublie et, tout en nous invitant à retrouver une âme d’enfant, il nous rend complice de sa dramaturgie.
« L’air de Panache »
Le Palace « Grand Budapest » semble avoir eu plusieurs vies. Lorsqu’en 1968 un jeune auteur (Jude Law) tente d’en découvrir l’histoire, celle-ci lui est contée par son propriétaire, un certain M. Moustafa (F. Murray Abraham). Au fil de l’évocation du récit expliquant comment cet ancien « lobby boy » dénommé Zéro (incarné par un prodigieux Tony Revolori) a pu changer de statut, la station balnéaire reprend vie à travers celle de son illustre concierge, Monsieur Gustave (Ralph Fiennes), et d’une aventure liée au testament d’une dénommée Madame D. (Tilda Swinton).
Le film s’ouvre sur la double hypothèse de la choralité et de la mise en abyme. En effet alors que des voix s’additionnent et mettent en place une musicalité qui n’aura cesse de nous guider tout au long du film, nous découvrons dans les mains d’une jeune fille un ouvrage titré « The Grand Budapest Hotel ». Si elle est venue se recueillir devant la statue de « l’auteur », celui-ci s’adresse bientôt directement à nous. Le temps s’efface alors et un voyage au coeur même de l’écriture prend place. L’auteur devient multiple et revêt plusieurs voix qui deviennent un seul et même chant (de cygne).
Si la construction même du scénario atteste de l’addition de plusieurs points de vue, elle semble être pensée selon notre regard. L’ouverture nous rend à dessein complice du personnage de l’écrivain. Est-il lui-même spectateur du récit qui lui est conté que notre complicité ne peut qu’être totale. Aussi si, au fil d’un sympathique chapitrage, les aventures de Zéro et de Monsieur Gustave suivent plusieurs chemins et autant de protagonistes n’épousent-elles pas le rythme que leur confère l’auteur.
Un auteur qui n’est autre que le réalisateur qui, à travers une aventure pleine de rebondissements, se joue de l’Histoire (lorsque les SS deviennent les ZigZags), met en scène une série d’oeuvres d’art et excite judicieusement notre attention en jonglant avec le romantisme, l’action, l’absurde et le burlesque.
À son imagination singulière répond une grammaire qui bien qu’identifiable ne cesse d’évoluer. Wes Anderson porte le choix d’un format 4/3 au classicisme désuet qui participe à l’impression renouvelée d’une certaine nostalgie. Malgré l’artificialité très marquée de la mise en scène – où à une variation de travellings et à une multitude d’effets de zoom répond une frontalité incessante – il parvient à nous emporter au coeur d’une réalité colorée et farfulue à laquelle nous ne pouvons gouter qu’avec plaisir à l’instar de celui de ses personnages lorsqu’ils savourent des pâtisseries. Le soin accordé aux détails, accessoires, costumes et décors est proprement déroutant tout en faisant sens (à l’instar de l’évolution du lobby du palace entre les années 1930 et 1968). La musique (signée Alexandre Desplat), loin d’être un simple élément atmosphérique, participe au mouvement général tel un narrateur supplémentaire.
Le réalisateur dirige avec brio une palette de talents qui, qu’importe l’importance des rôles, offre des prestations délectables. Ralph Fiennes manie avec aisance les mots souvent délectables que Wes Anderson, habile dialoguiste, lui glisse en bouche tandis que Tony Revolori s’impose comme une révélation.
THE GRAND BUDAPEST HOTEL
♥♥♥
Réalisation : Wes Anderson
Allemagne / Royaume-Uni – 2014 – 100 min
Distribution : 20th Century Fox
Comédie / Drame
Berlinale 2014 – Compétition – Film d’ouverture
mise en ligne initiale le 6/02/2014
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