Critique : Le Sel de la Terre
Portrait du photographe Sebastiano Salgado à travers son travail, LE SEL DE LA TERRE est un dialogue à trois voix sublime et hypnotique qui n’en est pas moins d’une rare violence – celle de la réalité derrière et au-delà des clichés majestueux d’un homme curieux et humaniste.
Réalisé par Wim Wenders et Juliano Ribeiro Slagodo, le fils du photographe, le documentaire est une rencontre riche et multiple avec l’homme et son oeuvre. Il s’ouvre sur une photographie envoûtante de la série « La Main de l’homme » prise à la mine d’or de Serra Pelada au Brésil. Un célèbre cliché qui marqua la découverte du photographe par le cinéaste – lui-même par ailleurs photographe.
Si cette image permet au réalisateur de motiver sa démarche, elle esquisse une mise en place singulière de témoignage reposant sur l’installation d’un processus filmique confrontant tout à la fois Sebastiano Salgado à ses photographies et à la caméra. Au fil de ses commentaires, l’homme livre le récit d’une vie et d’une démarche non moins humaniste qu’artistique.
D’abord à deux voix, le dialogue s’ouvre sur une troisième. Contant les grandes étapes de la vie de Salgado qui s’exila en France et découvrit, grâce à son épouse, la photographie, Wim Wenders marque une ellipse et passe la parole à son fils Juliano. Le film bascule alors vers une autre réalité, celle d’un dialogue non seulement entre artistes, entre cinéma et photographie, mais aussi entre plusieurs films – LE SEL DE LA TERRE étant le fils d’un autre projet qu’il intègre toutefois – et entre un fils et son père.
Au silence et à l’émoi du photographe dont on envisage bientôt l’ensemble de la carrière de manière chronologique répond en effet le regard admiratif et distancié d’un fils qui longtemps semble avoir cherché sa place. Car si la complicité entre Sebastiano Salgado et son épouse – cette femme de l’ombre qui dirige ses expositions et ses publications – est manifeste, celle entre le père et le fils apparaît en construction et le film y participe pleinement.
L’évocation conduit tout à la fois à la révélation de la démarche du réalisation, au parcours qui a construit sa carrière et à la mise à nu de son ressenti. Ainsi l’homme est encore et toujours hanté par le génocide rwandais qu’il évoque avec une émotion palpable et contagieuse. Et la beauté foudroyante de ses photographies l’est alors plus encore.
LE SEL DE LA TERRE
THE SALT OF THE EARTH
♥♥♥
Réalisation : Juliano Ribeiro Salgado & Wim Wenders
France/Italie/Brésil – 2014 – 109 min
Distribution : Cinéart
Documentaire
Cannes 2014 – Un Certain Regard – Prix du Jury
Film Fest Gent 2014 – Séance Spéciale